Aller au contenu

LA NIOUZE du Choeur N°3

Haut les Choeurs ! : Soprano, alto, ténor, basse... De quoi parle-t-on ?

Coucou tout le monde !

J'espère que vous allez bien.
Me revoilà avec une petite niouzletter musicale, et plus spécifiquement vocale cette fois !
Ben oui, où ai-je la tête, vous êtes tous choristes et je n'ai même pas encore parlé de vos voix, dans toute leur variété, hauteurs, agilité etc.

Donc soprano, alto, ténor, basse : de quoi on parle?

Bon, grosso modo, vous savez tout à peu près que :
Voix de femme aiguë = soprano
Voix de femme grave = alto
Voix d'homme aiguë = ténor
Voix d'homme grave = basse.
On appelle "tessiture" ces différentes hauteurs de voix. Je ne parle pas ici (enfin pas encore) de "timbre", qui correspond, indépendamment de toute hauteur ou presque, à la sonorité particulière de la voix de chaque personne et qui fait qu'on l'identifie. Et qui fait que la cheffe sait qui a chanté une fausse note dans le choeur hé hé j'ai des noms

Et même, pour être plus précis, la tessiture de quelqu'un correspond à sa zone de confort dans toute l'étendue des notes chantées, c'est à dire là où ça sonne le mieux et sans difficulté.
On a donc tous une tessiture innée, conditionnée par la physiologie, l'hérédité (chez moi, y'a que des ténors par exemple - enfin, chez les gars, hein)... Conditionnée aussi par les habitudes d'utilisation vocale depuis l'enfance et au sein de la famille, au sein de son groupe linguistique, selon son psychisme également, etc.
En dehors du chant, la voix parlée peut donner une indication de la tessiture dans laquelle on se situe. Quand on chante, on a déjà une idée un peu plus précise de sa tessiture.

Mais la voix peut aussi être travaillée (vive les cours de chant !) ce qui permet d'optimiser à fond l'utilisation de sa voix, de déterminer plus précisément la zone de confort et d'élargir sa tessiture. Les chanteurs d'opéra par exemple, qui ont travaillé comme des dingues pendant des années et des années, ont une zone de confort bien large avec un son net et précis dans toute leur tessiture. Parfois il y a des surprises : une alto qui se croyait alto et qui travaille sa voix découvre finalement qu'elle est soprano... Ou l'inverse. Si si, ça existe !

Pour la petite histoire, il faut à peu près 10 ans de travail acharné et quotidien pour "faire" un chanteur lyrique professionnel, à peu près comme des études de médecine quoi... Avec en plus l'hygiène de vie d'un sportif de haut niveau. Et encore, c'est si le parcours se déroule toujours parfaitement, avec des profs géniaux de bout en bout, etc. Autant dire qu'il faut 15 ans en fait 😉 (Z'avez vu à quoi vous avez échappé quand même - vive la chorale, c'est nettement plus cool)

Bon, allez, assez parlé, voici quelques petites illustrations sonores :

Sabine Devieilhe, Soprano, dans l'air de la Reine de la Nuit de la Flûte Enchantée de Mozart (un tube quoi, mais ça fait du bien de l'entendre bien chanté) :
https://www.youtube.com/watch?v=41mE3kapPgc

Marie-Nicole Lemieux, alto, dans les "Sea Pictures" op 37 n°1 , d'Edward Elgar, compositeur anglais qui vécu à cheval entre le XIX° et le XX° (et à qui l'on doit le célèbre "Pump and Circumstance")
https://www.youtube.com/watch?v=efpMqLUl-fI
(le Pump and Circumstance ici : https://www.youtube.com/watch?v=Vvgl_2JRIUs c'est quasiment le deuxième hymne national des Britanniques : ils deviennent fous dès qu'ils l'entendent cf la vidéo)

Alain Vanzo, ténor, dans un air tiré de l'opéra "les Pêcheurs de Perle" de Bizet (compositeur français du XIX°) :
https://www.youtube.com/watch?v=MGmxAHVbijI
(en plus, il a une super diction)

Nicolai Ghiaurov baryton basse dans "La calunnia" du "Barbier de Séville" de G. Rossini (XIX° toujours)
https://www.youtube.com/watch?v=5mqBSpxEBHM

Bon, là, pour le plaisir, j'en rajoute un peu : voici des "octavistes", c'est à dire des basses qui chantent encore plus bas que bas : https://www.youtube.com/watch?v=o8qu4OOQ_Dc&feature=emb_logo
Des Russes, évidemment.

Et puis il y a elle aussi :
https://www.youtube.com/watch?v=a7Dh5QoXv2c
Bon, au départ, pour de vrai, c'est une certaine Inva Mula, soprano, qui chante dans cette BO un extrait d'opéra de Donizetti (XIX° encore). Et puis après, ça part en gros délire de bidouille informatique !!

Donc voilà globalement pour les 4 principales catégories de voix.
Mais ce serait trop simple qu'il n'y ait que ces 4 cases, on en a donc inventé d'autres !

Les subdivisions :

Donc il y a des subdivisions : entre la soprano et l'alto, on trouve la mezzo soprano !
et entre le ténor et la basse, il y a le baryton ! Du plus grave au plus aigu, on a donc 6 catégories :
basse, baryton, ténor, alto, mezzo, et soprano.

Petit duo magnifique entre une soprano (Sabine Devieilhe) et une mezzo (Marianne Crebassa) :
https://www.youtube.com/watch?v=C1ZL5AxmK_A
(Dirigées par l'excellent chef François-Xavier Roth)
(je suis sûre que vous connaissez cet extrait, largement repris pour une vulgaire pub de bagnoles il y a un moment)

On peut trouver dans les choeurs des subdivisions parallèles (argh, en fait ça en fait 8) :
sopranos 1 (ou premières sopranos) ;
sopranos 2 (ou secondes sopranos) (c'est moi)
altos 1 (ou mezzo-sopranos) ;
altos 2 (ou altos) ;
ténors 1 (ou premiers ténors) ;
ténors 2 (ou seconds ténors) ;
basses 1 (ou barytons) ;
basses 2 (ou basses).
(oui il y a des compositeurs fous qui ont composé pour 8 voix. Il y a même un dingue qui est monté à 40 voix, mais ça fera l'objet d'une autre niouzletter)

Et puis si on va encore plus loin dans chaque tessiture, il y a encore des subdivisions :
léger, lyrique, dramatique (du plus léger au moins léger)
et c'est là que les particularismes personnels arrivent, notamment avec le timbre, ou l'agilité musculaire de l'appareil vocal !
Léger : voix légère, facilité à monter dans l'aigu, pas toujours beaucoup de coffre
Dramatique : voix très ronde, plus "lourde", moins de facilité à monter mais y arrive quand même, pas mal de coffre.
Lyrique : entre les deux !
Donc on dira d'une soprano qu'elle est légère, ou lyrique, ou dramatique. Pareil avec les autres voix (ténor léger, mezzo dramatique...). Pour les basses, on dit plutôt "basse chantante" pour des voix lyriques (parce que je ne sais pas si on peut dire d'une basse qu'elle est légère :-D) (mais c'est joli, "basse chantante" hein ? - l'art de se rattraper aux branches) et basse profonde pour basse dramatique.
Evidemment, les voix, c'est comme les horoscopes avec les ascendants : On peut trouver des Soprani lyriques léger par exemple (c'est moi)

Exemples :
Soprano léger : Nathalie Dessay
https://www.youtube.com/watch?v=vIFGa3j92PE&t=0s
Soprano lyrique : Anna Netrebko
https://www.youtube.com/watch?v=m1_BKpgUG4I
Soprano dramatique : Maria Callas
https://www.youtube.com/watch?v=TegWugrrCgU&t=0s

Bon ça y est, me direz-vous. On n'en rajoute pas.
Mais en fait, siiii ! On continue dans les subdivisions ! C'est pas drôle sinon.
Par exemple, on peut rajouter des subdivisions en fonction des styles musicaux : les chanteurs qui chantent dans les opérettes ont en général des voix plus légères que ceux qui chantent dans les opéras. Et dans les opéras, ceux qui chantent des opéras de Wagner ont une voix carrément balaise et puissante par rapport à ceux qui chantent des opéras de Verdi, qui ont une voix plus dramatique que ceux qui chantent des opéras de Mozart, ceux-ci ayant généralement des voix lyriques à légères. Je vous épargne les termes techniques qui qualifient toute cette faune.

Mais c'est pas fini ! Et là, on arrive dans ce qui fait l'unicité de chaque chanteur ou presque : les compositeurs de musique vocale, en général, composaient chaque rôle d'opéra pour un.e chanteur.euse donné.e. Ils connaissaient de lui / d'elle toutes ses particularités vocales, ses facilités, ses difficultés, ses notes préférées, les effets qui sonnaient le mieux dans leurs voix. Du coup, les compositeurs faisaient des airs sur mesure pour ces chanteurs.euses.
La classe, non ?
C'est ainsi que l'on entend parfois parler de "Baryton Martin", de "Mezzo Colbran", de "Mezzo Malibran", de "Basse Nivette", de soprano "Falcon"... D'après les noms des chanteurs qui ont créé les rôles composés pour eux. Pour un chanteur qui arrive après, ça peut être un repère pour trouver du répertoire qui va lui convenir.

Comme quoi, on retrouve là ce qui fait l'unicité de chacun, belle diversité de l'humanité... Jusque dans les partitions vocales.

Néanmoins, je vais rajouter un tant soit peu de bazar dans vos têtes déjà bien confusionnées.

Autres caractéristiques des voix

Par exemple, c'est quoi "coloratur" ?
Rien à voir avec le teint de peau ou la couleur du costume. Un chanteur ou une chanteuse "coloratur.e", c'est un chanteur.euse qui arrive à enchaîner plein de notes très vite, c'est ce qu'on appelle des "vocalises" dans un air (le terme "vocalise" n'est donc pas réservé aux exercices de chauffes vocales). Et croyez-moi, c'est du sport (je ne suis pas colorature et je galère dans les passages vocalisants). En général, les voix légères y arrivent mieux que les voix lyriques ou dramatiques. Mais ça n'est pas systématique. Même si on entend parler surtout de "Soprano colorature" (ça fait bien dans les conversations), figurez vous que c'est une agilité que l'on peut retrouver dans toutes les tessitures, et même les basses aussi peuvent l'être ! Vous voyez les basses, tout le monde a sa chance.

Un exemple de mezzo colorature : Cecilia Bartoli, dans un air d'opéra de Vivaldi (si si, Vivaldi a écrit des opéras, et même beaucoup d'opéras) : https://www.youtube.com/watch?v=2O9OfxS0r08
Sabine Devieilhe, citée dans un exemple ci-dessus, est soprano colorature.
Ici un baryton coloratur : https://www.youtube.com/watch?v=oaNR30akiUs

Autre chose : on entend parfois des hommes chanter trèèèès aigu pour des hommes. Que leur est-il arrivé ?

Rien. Enfin si. Enfin non. Enfin ça dépend à quelle époque !
Et oui, on a tous entendu parler des castrats, et notamment par le film "Farinelli"  sorti en 1994, qui retrace l'histoire de ce célèbre castrat ayant vécu au XVIII°. Donc, jusqu'au XIX°, et bien pour dire franchement, on coupait les roustons des petits garçons qui avaient une jolie voix. Et hop, pas de mue, ils gardaient leur voix d'enfant dans leur corps d'adulte, et la voix était ample et puissante. Dieu merci, on n'a pas continué ce genre de pratique... Mais quand même jusqu'au XIX° bien sonné. Le dernier castrat célèbre, né en 1858, a dû se faire couper les roustons vers 1868-70, est mort en 1922. c'est grâce à lui qu'on possède les seuls enregistrements de castrat de l'histoire :
https://www.youtube.com/watch?v=_6FNKXtt95k
Bon l'enregistrement n'est pas bon... A l'époque des cylindres, on faisait ce qu'on pouvait.

Actuellement donc, il existe des hommes qui continuent à chanter aigu. Je vous rassure, ils ont tout. Et quand ils parlent, ils parlent normalement avec une vraie voix de mec !!
C'est juste qu'ils ont travaillé leur voix de fausset, vous savez, la petite voix aiguë que sortent les hommes quand on leur demande d'imiter les filles ! Et bien cette voix-là se travaille, et ça donne ça :
https://www.youtube.com/watch?v=yF4YXv6ZIuE
ou ça :
https://www.youtube.com/watch?v=9zQX2XqAE8c
On les appelle des contre-ténors, ou haute-contres, et en terme de tessiture, ils viennent jouer avec les alti... Mais leur timbre reste différent de celui des femmes. Il y en a même qui viennent rejoindre les soprani, et sans surprise, on les appelle... des sopranistes.

Alors au fait, les filles aussi ont une voix de fausset, dite souvent "voix de tête". Alors attention, elle est pas dans la tête, la voix - tout le monde ne s'appelle pas Jeanne - mais elle résonne plus dans la tête. Les cordes vocales restent bien dans leur petite boîte de cartilage dans la gorge ! Donc, comme pour les messieurs, les dames n'utilisent pas cette voix de tête en voix parlée. Elle est aussi moins "flagrante" ou contrastée que chez les messieurs parce que les femmes partent déjà avec une voix plus aiguë naturellement. Cependant, quand on chante soprano, on l'utilise bien, cette voix de tête ! Le passage de voix parlée "de poitrine" à voix plus aiguë, "de tête", se fait par un changement de position physiologique des cordes vocales. Bon là je m'égare, je ferai peut-être une autre niouzletter sur le fonctionnement de la voix ! Revenons à nos moutons :

Mais au fait, ça veut dire quoi "soprano", "alto", "ténor" et "basse" ?

A l’origine, le chant grégorien… ici : https://www.youtube.com/watch?v=sVux2ISf8nU

Dans le chant grégorien, une seule ligne mélodique est interprétée par les chanteurs – on parle de monodie. C’est dans ce contexte que le mot ténor fait son apparition dans le vocabulaire musical. Du latin tenor (ou du verbe teneo, tenir), il signifie un cours non interrompu, une marche continue, une façon uniforme, une manière égale.
Lors de la messe ou d’un office, les psaumes ne sont pas lus, mais chantés sur des tournures mélodiques précises, avec une note tenue qui sert à réciter une large partie de chaque verset (on l'entend bien dans l'extrait ci-dessus). Dans la psalmodie, la note de récitation porte le nom de teneur ou ténor, puisqu’il s’agit d’une hauteur sur laquelle le texte est déclamé de façon continue et uniforme. Le ténor endosse le rôle de note centrale, autour de laquelle gravite toute la mélodie. C’est ce rôle prédominant, par rapport aux futures nouvelles voix, qu’il conserve durant plusieurs siècles.
C'est cool, hein, les ténors ! M'étonne qu'ils se prennent parfois pour les rois du monde 😉

En résumé, au cours de l'histoire de la musique, d'autres voix s'ajoutent autour de la "teneur" : le "superius" bien au dessus. Puis une autre voix proche la teneur, "à côté" ou "contre" la teneur, et qu'on appellera "contratenor".
Au milieu du XV° siècle, apparaît encore une autre voix : un deuxième "contratenor", toujours proche de la teneur. A cette époque, l’écriture à quatre voix se généralise.
Un des deux "contratenor" finit par se retrouver au-dessus de la teneur/tenor, et portait le nom de "contratenor altus", "altus" signifiant simplement haut. L’autre "contratenor" évoluait au-dessous, et se nommait "contratenor bassus". Vous voyez donc l'Histoire arriver avec ses gros sabots : on a le superius qui deviendra soprano, le contratenor altus qui deviendra alto, le tenor qui reste ténor, et le contratenor bassus qui deviendra basse !
Ces dénominations n'étaient pas harmonisées, et en France au XVII-XVIII°, le soprano s'est appelé "Dessus", l'alto "Bas dessus", le ténor "Taille" et la basse (ou plutôt le baryton) "Basse taille". Le "contre-ténor" existait aussi, et se situait comme aujourd'hui entre alto et ténor !

Et dans la chanson de variété, ça se passe comment ?

Et bien là, on assiste à une réduction drastique des tessitures... La grosse majorité des chanteurs chante plutôt en baryton-ténor, et la grosse majorité des chanteuses en alto... Les incursions vers les notes graves de basses ou aiguës de soprano sont rares, encore plus l'utilisation de la voix de fausset chez les messieurs.
Pour ça, Balavoine a étonné tout le monde dans son "SOS d'un terrien en détresse" :
https://www.youtube.com/watch?v=JogioTloRB4
Bon, comme il est ténor, les notes graves ont du mal à sortir sur le début du refrain, en revanche il monte rapidement en voix de tête sur "j'aim'rais mieux être un oiseau". Mais en dépit de l'étonnement de tout le monde, ça n'a rien de surnaturel.

Les explications à ce phénomène ? Je ne sais pas... Ça mériterait une étude sociologique sans doute.
Je fais le parallèle avec le monde de l'entreprise ou de la politique, où pendant longtemps, les femmes ont eu tendance à abaisser leur tessiture de voix parlée pour se rapprocher de celle des hommes... Une manière de s'imposer et gagner en crédibilité. Ce n'est que récemment que l'on commence à entendre des femmes avec des voix plus aiguës ou légères, Marlène Schiappa par exemple.
Et pourquoi les chanteurs de variété ne chantent pas en basse ? Je ne sais pas...
Dans d'autres pays, en particulier de culture non européenne, c'est sans doute différent. Une amie qui connaît bien l'Inde m'a dit que là-bas, les chanteurs et chanteuses de variété avaient au contraire des tessitures bien typées de basses et soprani ! Ce serait intéressant de creuser aussi du côté de la musique chinoise ou japonaise...

Bon allez, assez parlé. On pourrait écrire des thèses sur tout ça.

En bonus, une petite vidéo exceptionnelle :
https://www.youtube.com/watch?v=Hf5shHQJvSE
Et quelques renseignements sur la chanteuse ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Florence_Foster_Jenkins

Bises et prenez soin de vous !
(et désolée pour les fautes d'orthographe, il doit y en avoir quelques unes...)
Cécile